top of page

Atys travesti

 

Atys travesti, parodie de la tragédie lyrique de Quinault et Lully : Atys, donnée à la Foire Saint-Germain en 1736

 

Titre : Atys travesti

Auteur : Denis Carolet.

Source textuelle : Théâtre inédit de Carolet, Man. F.F. 9315.

Sources musicales : fragments vocaux et instrumentaux puisés conformément aux indications du livret, à travers les compositions de Lully, Campra, Rameau ainsi que parmi les nombreux airs issus de l'immense corpus des vaudevilles anonymes des XVIIe et XVIIIe siècles.

La partition a été reconstituée par Jean-luc Impe grâce à la banque de données informatiques élaborée sous sa direction par le Centre d’Étude de Musique Populaire Baroque.

 

 

Quelques mots sur l'histoire… la vraie et l'autre !

 

Atys, l'opéra de Quinault et Lully, fut donné pour la première fois le 10 janvier 1676 et repris en de très nombreuses occasions. Le 23 décembre1725, cette tragédie lyrique fut représentée à Paris et éveilla la verve parodique des comédiens italiens (Arlequin Atys, de Ponteau), de l'Opéra-comique (Arlequin Atys, de Piron), et des marionnettes (La Grand-Mère amoureuse, de Fuzelier et d'Orneval).

Si l'habitude voulait que l'on parodiât immédiatement après sa création ou sa reprise àl'Académie Royale de Musique une tragédie lyrique sur la scène des théâtres forains, dans le cas précis de l'Atys travesti de Carolet il nous a semblé, durant de nombreuses années, qu'une erreur se soit glissée dans la page liminaire du manuscrit car, à notre connaissance, aucune reprise de l'opéra de Lully n’était programmée en 1736. Or il apparaît bien, d’après la biographie consacrée par Emile Dacier à la danseuse Marie Sallé que cette dernière ait participé à la chorégraphie du IVe acte d’une reprise de l’œuvre originale, en 1736 précisément1.

Dans la première partie du livret, voici ce que nous content les vers de Quinault : Atys exhorte les Phrygiens à se préparer pour la venue de la déesse Cybèle. Sangaride, de son côté, nous apprend que la bonne déesse vient rehausser de sa présence l'union qu'elle doit contracter avec Célénus, roi de Phrygie. Mais Sangaride aime Atys et, quoique ce dernier se soit défendu d'aimer quiconque, il finit par avouer lui aussi son amour pour la jeune femme.

Le deuxième acte nous livre des personnages agités par des sentiments contraires. Célénus et Atys souhaitent chacun être élevés par Cybèle au rang de Grand Sacrificateur de son temple, mais, dans le même temps, ils désirent ardemment conserver la liberté d'aimer Sangaride.

Cybèle, amoureuse en secret du jeune Atys, le choisit pour occuper la charge honorifique. Elle lui enverra, dans l'acte suivant, des Songes pour lui faire part de son amour. Une déesse ne peut décemment s'abaisser à faire elle-même étalage de ses sentiments. Las ! Sangaride bouscule les rêves de la bonne mère des dieux en lui apprenant qu'elle n'aime pas Célénus, l'époux qu'on lui destine. Atys la seconde avec une telle passion dans son plaidoyer que la déesse, se doutant de la connivence amoureuse qu'entretiennent les deux jeunes gens, verse une larme.... une de ces larmes si tristes dans la réalité d'un cœur meurtri, mais si belle à l'Opéra. Après un quiproquo entre les deux amants, Atys tâche d'interrompre les festivités nuptiales entre son rival Célénus et Sangaride.

La fin de l'opéra tourne au tragique. Cybèle et Célénus, comprenant la double trahison d'Atys et de Sangaride, se vengent de la plus cruelle façon. Atys, devenu fou par un artifice de la déesse, tue sa bien-aimée qu'il prenait dans son délire pour un monstre. Revenu à la raison et comprenant sa méprise, il cherche à mettre fin à ses jours. Cybèle l'en empêchera en le transformant en pin.

La parodie suit presque scène par scène l'action dramatique de la tragédie lyrique. Les principaux protagonistes sont bien là, même s'ils subissent quelques joyeux travestissements ! Les dieux et les nymphes des ruisseaux laisseront leur place à des paysans et bateliers des alentours proches de Paris.

Ce qui caractérise la parodie d'Atys réside principalement dans l'extraordinaire bonheur qu'a connu son auteur dans la stigmatisation des éléments constitutifs, textuels ou musicaux, de la narration originale. Pour ce faire il a réussi à établir entre les deux structures un rapport subversif ! À chacune des scènes les plus significatives de l'opéra de Quinault et Lully correspondra un contrepoint burlesque.

Si la majorité des parodies de cette tragédie lyrique se présentaient comme un simple commentaire burlesque de l’œuvre originale, l'Atys travesti de Carolet poursuivra un autre chemin et transposera les personnages et les situations dans un monde paysan. Cette adaptation aura pour principal effet de favoriser les allusions grivoises, qu'une certaine perception du jardinage peut aisément laisser entrevoir. Nous ne pensons pas avoir l'esprit particulièrement mal tourné en affirmant ceci, et si le lecteur croit encore en l'innocence du théâtre forain, la lecture de cet Atys travesti achèvera, nous en sommes surs, de le détromper.

Hormis cette « transposition », Carolet suivra pas à pas le livret de Quinault. L’un des principaux avantages que l'on pourrait reconnaître à cet ouvrage résulte sans conteste dans son adéquation plus que réussie avec l'univers de la marionnette. Les personnages, à l'inverse de La Grand'mère amoureuse, sont ici propres au théâtre de Polichinelle, tant d'un point de vue lexical que des habitudes langagières et gestuelles.

Après l'horrible carnage qui ponctue le dernier acte d'Atys, folie meurtrière occasionnée par la démence passagère du héros et causée par la jalousie de la mère des dieux, Cybèle pour ne pas la nommer, la déesse aura un moment de remords lorsque Atys, à son tour, se trouvera mal.

 

 

Cybèle

 

Ah ! mon cher, pardonne-moi, du moins que ton dernier soupir soit pour Cybèle.
 

Polichinelle

 

J’y consens. Tiens, voilà mon dernier hoquet.

Il pète.

 

           Sans vouloir souscrire à l'habitude “pétomaniaque” de Polichinelle, sans vouloir affirmer qu'il s'agit là d'un modèle de littérature, on ne peut que constater la force théâtrale du texte de Carolet, qui utilise la syntaxe des plus anciens polissons de la Foire, alors que le texte plus littéraire (toutes proportions gardées) de Lesage, Fuzelier et d'Orneval s'adaptait bien moins aux comédiens de bois.

 

           Une chose nous a frappés ! Si les œuvres théâtrales se répondent l'une l'autre, et c'est l'habitude entre un modèle et sa parodie, deux parodies à plusieurs années d'intervalle peuvent aussi s'interpeller.

Dans Atys travesti, le héros, in fine, est transformé en chou, symbole non seulement de sa fonction de « Grand Jardinier », mais aussi enseigne officielle des troquets à la mode. Si le lecteur veut bien s'en ressouvenir, la première parodie pour marionnettes de l'opéra du Florentin que nous avons rencontrée en 1726, La Grand'mère amoureuse, métamorphosait le principal protagoniste en chapon (c'est-à-dire en poulet émasculé, souvenir “voilé” de la castration du jeune Atys dans la mythologie), ce qui permettra à Carolet de rappeler ce fait :

 

Cybèle

 

Il se trouve mal et je suis la cause de tout ce bacchanal-là. Chien d'amour ! Mon cher Polichinelle !
 

Air : Des fraises

Ne descends point au tombeau

Et vois couler mes larmes.

En trépassant qu’il est beau !

Mon poulet, veux-tu de l’eau

Des carmes2 (ter)
 

Cette petite attention n'empêchera pas la déesse de transformer Atys-Polichinelle, non plus en habitant de basse-cour mais en hôte du potager.

 


LA PRODUCTION DES MENUS-PLAISIRS DU ROY EN 2011

 

Mise en scène et direction artistique : Jean-Luc Impe

Dramaturgie : Christian Ferauge (d’après une estampe ancienne)

Distribution :

Comédiens et chanteurs :

Stéphanie Gouilly, (soprano) dans le rôle de Sangaride
Jean-Daniel Senesi, (ténor) dans les rôles du Compère, de Maître Lucas et de Simon, le père de Sangaride
Thierry Vallier, (basse) dans le rôle de Polichinelle (Atys)
Vincent Goffin (comédien) dans le rôle de patronne de la loge foraine et Cybèle.

Musiciens :

Catherine Daron (traverso et musette de cour)
Marcin Lasia (violon)
Olivier Salandini (clavecin)
Ricardo R. Miranda (viole)
Jean-Luc Impe (théorbe et direction)

Manipulateurs :

Christian Ferauge et Louis-Philippe Della Valentina

Danseurs :

Compagnie Divertimenty, direction Guillaume Jablonka

Décors :

Christian Ferauge (conception)

Costumes :

Dominique Louis.

Fabrication des marionnettes :

José Maquet
Paul Tignée
 

Coproduction :

Les Concerts du Dimanche matin, Verviers. Le conservatoire de Verviers. La Communauté française de Belgique
L’Opéra-Comique

 

 

Quelques mots sur les interprètes :

 

           À travers leurs études et les recherches, menées conjointement avec Les Menus-Plaisirs du Roy et divers centres de théâtre baroque, les manipulateurs du théâtre du Golem sont aujourd'hui spécialisés dans l'approche du répertoire ancien pour comédiens de bois et tentent de reconstituer le plus fidèlement possible la mise en scène et le maniement des marionnettes à tringles et à fils du XVIIIe siècle. Un travail tout particulier a été effectué sur la gestuelle et les différentes postures symboliques de l'époque, en usage sur les scènes des théâtres, de l'Opéra ou que l'on retrouve dans la peinture et la sculpture de la première moitié du Siècle des Lumières. Les musiciens de la compagnie “Les Menus Plaisirs du Roy” sont tous spécialisés dans l'exécution de la musique baroque et font partie des plus grands ensembles actuels de musique ancienne : lesArts Florissants, La Chapelle Royale, Il Cortegiano, Le Concert Spirituel, La Grande Écurie et la Chambre du Roy…

 

           La partie musicale des pièces pour marionnettes est très importante... et même primordiale puisqu'elle occupe quantitativement plus des trois quarts du temps. Les répliques des différentes pièces sont, soit parlées, dans une très faible mesure, soit chantées plus largement par les manipulateurs ou des chanteurs professionnels.

 

 

 

 

           Ci-dessus l’un des trop rares documents iconographique représentant un théâtre de marionnettes foraines au milieu du Siècle des Lumières. On remarquera tout particulièrement la présence d’un acteur servant de relais entre le public et le plateau ainsi que celle de deux musiciens devant l’ouverture scénique du castelet. Sur les tréteaux de Polichinelle s’ébrouent joyeusement notre maître bossu et sa nouvelle complice : Dame Gigogne. C’est ce dispositif scénique que la Compagnie des Menus-Plaisirs du Roy a fait reconstruire, sur des plans élaborés par le Golem et avec l’aide du Centre de la marionnette, à l’occasion de la reprise d’Atys.

 

 

 

1 Emile Dacier, Une danseuse à l'Opéra sous Louis XV, Mlle Sallé, 1909, reprint Minkoff, Genève, 1972, p. 330. Elle adansé le 16 février dans Atys, acte IV : suite du fleuve Sangar (entrée seule).

 

 

2 Eau des carmes : élixir à base de mélisse.

 

 

 


POUR RAPPEL…

LA PRODUCTION DES MENUS-PLAISIRS DU ROY EN 1994-1995


Mise en scène : Philippe Lénaël et Jean-Luc Impe
Direction musicale et dramaturgie : Jean-Luc Impe

Distribution :

Comédiens et chanteurs :
Isabelle Desrochers, (soprano) dans le rôle de Sangaride
Sylvie Stenuit, (soprano) dans le rôle de Cybèle
Martial Desfontaines, (ténor) dans les rôles du Compère, de Maître Lucas et de Simon, le père de Sangaride
Patrick Ringal-Daxhelet, (basse) dans le rôle de Polichinelle (Atys)

Musiciens :
Catherine Daron (traverso)
Pascale Oppliger (traverso)
Jacques Willemyns (clavecin)
Jean-Luc Impe (théorbe et direction)

Manipulateurs :
Barbara Mélois et Alban Thierry

Décors :
G. Muls
P. Tignée
C. Leroy
D. Elaerts

Costumes :
Dominique Louis.

Fabrication des marionnettes :
José Maquet
Paul Tignée
Barbara Mélois

Coproductions :
Le Théâtre et Musique pour Marionnettes baroques (Asbl), La Vénerie, Festival de Sablé-sur-Sarthe, Opéra ballet atlantique et Festival d'Ambronay. Avec l'aide du Ministère de la Culture et des Affaires sociales et le soutien de la BBL et de la CGER (sic).

 

 

 

 

 

 

 

bottom of page